Cocktail toxique : un livre sur l’impact des perturbateurs endocriniens sur le cerveau

neuronutrition suggestions de lecture Oct 24, 2022

Depuis quelques décennies, trois phénomènes suscitent l’attention de scientifiques. La prévalence des troubles du spectre de l’autisme (TSA) connaît une progression fulgurante aux États-Unis: 1 enfant sur 5000 en 1975; 1 enfant sur 68 en 2010. En ce qui a trait au trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH): environ 5% des enfants dans les années 1970; en 2011, la prévalence était de plus du double : 11,5%. Enfin, le quotient intellectuel (QI) tend à diminuer dans plusieurs pays occidentaux depuis le début des années 2000. Comment expliquer ces trois phénomènes? Le livre Cocktail toxique : comment les perturbateurs endocriniens empoissonnent notre cerveau nous fournit des éléments de réponses fort éclairants. J’ai résumé pour vous ce livre écrit par Barbara Demeneix, biologiste de réputation internationale spécialisée en endocrinologie.

Voici d’abord un aperçu des thèmes abordés dans son livre. Le premier chapitre porte sur la découverte de l’iode et l’impact d’une carence en ce minéral sur la santé humaine, notamment sur le cerveau. Le chapitre 2 traite de l’hormone thyroïdienne, une hormone clé dans le développement du cerveau. Le chapitre 3 présente les catégories de perturbateurs endocriniens, les endroits où on les trouve et leurs effets sur l’axe hormonal thyroïdien. Le chapitre 4 aborde le déclin du quotient intellectuel (QI), déclin observé dans plusieurs pays occidentaux. Le chapitre 5 s’attarde sur les causes environnementales des troubles neurodéveloppementaux (TSA, TDAH, dyslexie). Le chapitre 6 nous éclaire sur l’impact de l’environnement sur l’expression des gènes (volet épigénétique). Le chapitre 7, quant à lui, traite des coûts des perturbateurs endocriniens en tant que facteur causal de troubles neurodéveloppementaux et de la baisse du QI. Enfin, le chapitre 8 nous suggère des pistes de solution individuelles et collectives permettant de nous protéger des perturbateurs endocriniens; s’adressant à tous, le chapitre 8 mérite, à mon avis, une attention particulière de la part des femmes enceintes ou qui prévoient le devenir.

Passons au résumé de l’introduction et des huit chapitres du livre Cocktail toxique. Veuillez noter que je me suis permis de reformuler le titre des chapitres afin qu’ils décrivent mieux leur contenu.

 

RÉSUMÉ DU LIVRE COCKTAIL TOXIQUE

 

L’introduction 

Depuis notre naissance, nous sommes exposés à des milliers de produits chimiques. Les plus vulnérables d’entre nous : les fœtus dans le ventre de leur mère. D’une part, le placenta ne bloque pas tous les produits chimiques; de plus, l’exposition prénatale à ces produits peut avoir des effets irréversibles sur la santé physique et mentale du bébé.

Plusieurs agents chimiques, présents dans l’eau, la nourriture ou l’air, affectent le système hormonal. On les appelle des perturbateurs endocriniens. Voici quelques catégories : des plastifiants, des retardateurs de flamme, certains pesticides, des imperméabilisants, etc. Plusieurs d’entre eux perturbent l’axe hormonal de la thyroïde, une glande importante impliquée dans le développement et le fonctionnement du cerveau.

 

Le chapitre 1 : la découverte de l’iode et de son importance

L’iode est un minéral nécessaire à la synthèse de l’hormone thyroïdienne, une hormone clé dans le développement et le fonctionnement du cerveau.

L’iode est d’abord identifié en 1813. Au début des années 1850, un botaniste établit un lien entre le faible taux d’iode dans certaines régions de la France et un nombre plus élevé de cas de crétinisme (caractérisé notamment par un retard mental). Les autorités sanitaires de l’époque décident de mettre en place des mesures afin de contrer les carences en iode, et ce, même si on ne comprend pas le mécanisme d’action de cette substance essentielle.

Dans les années 1960, le médecin britannique Peter Pharoah mène une étude charnière qui confirmera l’importance de l’iode en début de grossesse. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, il avait noté un nombre élevé de cas de crétinisme (causé par un apport insuffisant en iode). Il procède alors à des injections d’huile iodée chez un groupe de femmes enceintes. Un autre groupe de femmes enceintes reçoit, en guise de placebo, une injection d’eau. Résultat : les injections d’iode permettent de réduire de manière significative le nombre de cas de crétinisme chez les enfants nés les mois suivants. Le chercheur note un détail crucial: cet effet préventif survient surtout si les mères reçoivent le complément d’iode en début de grossesse. En fin de grossesse ou durant l’allaitement, l’effet prophylactique de l’iode se révèle moindre.

Depuis les années 1970, heureusement, on procède au dépistage systématique de l’hypothyroïdie chez les bébés naissants. Le but : intervenir tôt afin d’éviter des retards de développement physique et intellectuel.

 

Goitre, crétinisme et… hormone thyroïdienne

Dans les années 1880, on comprend de mieux en mieux le rôle de la thyroïde dans la croissance et le développement cérébral. Un chirurgien suisse, Théodore Kocher, observe chez des sujets atteints de goitre les conséquences catastrophiques de l’ablation de cette glande sur la croissance et le fonctionnement intellectuel. Il fait alors une découverte charnière : goitre et crétinisme sont liés à la thyroïde.

Vers 1890, un médecin procède à des injections de glande thyroïde de mouton chez des jeunes souffrant de crétinisme. Résultat: leur croissance s’améliore. Toutefois, leur déficience intellectuelle s’atténue très peu. Conclusion: pallier un manque en hormone thyroïdienne ne permet pas de réparer les dommages intellectuels causés par un déficit précoce en cette hormone.

 

La carence en iode : un problème de santé publique?

De nos jours, les carences sévères en iode sont plutôt rares. Il y a néanmoins lieu de s’inquiéter. D’une part, on note une augmentation de la carence en iode dans plusieurs pays. Fait inquiétant : les femmes enceintes dans deux tiers des pays d’Europe ont un apport alimentaire insuffisant en iode. Or on sait qu’une carence en iode, même légère, durant cette période augmente le risque de QI plus faible chez les enfants.

Un problème s’ajoute à celui de la carence en iode. Nous sommes exposés de la conception jusqu’à l’âge adulte à une foule de perturbateurs endocriniens pouvant nuire à l’absorption de l’iode ou au bon fonctionnement de l’hormone thyroïdienne. La combinaison d’une carence en iode (même légère) avec une exposition aux perturbateurs endocriniens, dont certains affectent l’axe thyroïdien, compromet ainsi le bon développement intellectuel de nos enfants.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande apport quotidien de 250 microgrammes aux femmes enceintes. En guise de comparaison, une personne adulte a besoin d’environ 100 microgrammes par jour. Un supplément quotidien d’iode (entre 100 et 150 microgrammes) peut être nécessaire pour les femmes enceintes dont l’alimentation ne répond pas au besoin en iode. À noter que le sel de mer, étonnamment, ne contient pas d’iode. Il vaut mieux se tourner vers le sel de table iodé.

 

Iode et sélénium : un duo inséparable

Pour le fonctionnement optimal de la signalisation thyroïdienne, un autre minéral joue un rôle important : le sélénium. Il permet, comme cofacteur enzymatique, l’activation de l’hormone thyroïdienne au sein des cellules. On peut trouver de l’iode et du sélénium dans les produits de la mer : poissons, crustacés, mollusques. Le sélénium des poissons contrebalancerait même l’impact négatif du mercure.

 

L’hormone thyroïdienne : importante à tout âge

Même à l’âge adulte, un bon fonctionnement de la thyroïde s’avère aussi important. Une hypothyroïdie se manifeste par divers symptômes : dépression, problème de mémoire, prise de poids, sensibilité au froid, sécheresse de la peau, constipation. Une hyperthyroïdie comprend ces symptômes : tachycardie, perte de poids, irritabilité, problème de sommeil, yeux exorbités, etc.

 

 

Le chapitre 2 : l’hormone thyroïdienne piratée

Notre hormone thyroïdienne est identique à celle des autres vertébrés : chats, oiseaux, grenouilles, poissons, etc. Elle n’a pas évolué depuis des millions d’années. Voici un survol de l’histoire de cette hormone.

En 1914, on identifie l’hormone thyroïdienne (la T4) pour la première fois et on découvre alors qu’elle contient 60 % d’iode. En 1969, une autre hormone clé est découverte, la TRH (thyréotropine), une hormone qui stimule la production d’hormone thyroïdienne.

Dans les années 1990, grâce à des études épidémiologiques, on comprend l’absolue nécessité de l’hormone thyroïdienne en début de grossesse. Par exemple, une hypothyroïdie chez la mère est associée à un retard de développement psychomoteur chez l’enfant. Aussi, si la mère souffre d’hypothyroïdie, l’enfant est plus à risque de présenter un QI réduit (note : le fœtus est dépourvu de thyroïde durant les premières semaines; la mère lui fournit l’hormone thyroïdienne nécessaire).

Cette hormone est d’une extrême importance, puisqu’elle est essentielle au développement de tous les organes : cerveau, os, muscles, intestin, peau, etc. Elle est « (…) un élément clé de la régulation de la prolifération, de la migration [des neurones], de la différentiation [des neurones], de la synaptogenèse [formations de connexions entre les neurones] et de la myélinisation [formation de la gaine de myéline autour des axones des neurones] dans toutes les zones du cerveau et à toutes les étapes du développement, y compris chez l’adulte. »

Cette hormone sert, entre autres fonctions, à moduler l’activité des gènes dans le cerveau. Or les perturbateurs endocriniens peuvent pirater cette fonction, en réduisant la quantité d’hormone disponible ou en agissant sur les récepteurs cellulaires de cette hormone.

 

 

Le chapitre 3 : un cocktail de produits chimiques

Plusieurs perturbateurs endocriniens interfèrent avec la production et l’action de l’hormone thyroïdienne. Voici quelques catégories de perturbateurs thyroïdiens et leurs effets.

 

Les biphényles polychlorés (BPC)

Les biphényles polychlorés (BPC) font partie des polluants organiques persistants (POP). Ils doivent leur popularité à leurs propriétés physico-chimiques: ils sont stables, résistants à la chaleur et à l’inflammation. Ils sont entrés dans la fabrication de matériaux d’isolation électrique, de fluides de refroidissement, de lubrifiants, de condensateurs et de transformateurs, de plastifiants, de retardateurs de flamme, etc. La production de BPC a cessé en 1993. Ils prennent cependant des années à se dégrader. Résultat : on les trouve encore dans notre environnement (eau, air et nourriture).

Les BPC, maintenant considérés comme des perturbateurs endocriniens, affectent en particulier l’axe thyroïdien. Deux équipes de chercheurs, celle de Tom Zoeller et celle d’Abraham Brouwer, ont démontré que les BPC affectaient l’hormone thyroïdienne chez le rat. Chez l’humain, d’autres chercheurs ont établi une corrélation entre l’exposition aux BPC et un dérèglement de l’hormone thyroïdienne. Plus particulièrement, ils ont constaté qu’un taux élevé de BPC chez des femmes enceintes était associé à un taux d’hormone thyroïdienne plus bas dans le sang, de même que dans le sang du cordon ombilical de leurs bébés.

 

Les produits antiadhésifs (composés perfluorés)

Les composés perfluorés (en anglais PFC), des perturbateurs endocriniens, se trouvent non seulement dans les poêles antiadhésives, mais aussi dans les revêtements résistants aux taches et à l’huile, dans les matériaux imperméables et aussi dans les mousses extinctrices. Persistants et bioaccumulables, ils se répandent dans l’atmosphère et dans l’eau. Ils sont particulièrement présents dans nos domiciles et aussi dans les magasins de meubles et d’articles de plein air.

Malgré l’absence d’études épidémiologiques, des chercheurs ont constaté davantage de dérèglements thyroïdiens (ex.: hypothyroïdie) chez les personnes vivant près d’usines qui utilisent ou fabriquent des PFC. Les études chez les animaux indiquent que ces produits chimiques interfèrent avec la liaison de l’hormone thyroïdienne à son transporteur (la transthyrétine) avec, pour résultat, une réduction du taux d’hormone thyroïdienne dans le sang.

 

Les retardateurs de flamme : des retardateurs mentaux?

Les retardateurs de flamme (RF), de puissants perturbateurs endocriniens, se trouvent dans les rembourrages et mousses de meubles et de coussins, dans les appareils électroniques et même dans les peintures. Certains retardateurs de flamme contiennent du brome (RFB), alors que d’autres contiennent du chlore (RFC).

À la fin des années 70, Arlene Blum, chimiste étatsunienne, a prouvé qu’un retardateur de flamme bromé (le Tris-BP) présent à l’époque dans les pyjamas d’enfants, présentaient des effets mutagènes. Par la suite, cet usage a été interdit. Dans les années suivantes, on a aussi démontré que les RF étaient aussi des perturbateurs endocriniens. Les RFB, par exemple, inhibent l’absorption de l’iode, ce qui contribue à réduire la production de l’hormone thyroïdienne. Aussi, ils interfèrent avec le métabolisme et la distribution de l’hormone thyroïdienne dans l’organisme. Un RFC, le TDCPP, est présent partout : dans nos bureaux et véhicules, dans la poussière des logements, etc. Son métabolite se trouve même dans nos urines: preuve que nous sommes contaminés.  (Dans le chapitre 5, nous verrons que l’exposition prénatale à un RFB, le PBDE, a été associée au risque de développer le TDAH.)

 

Les pesticides : une peste!

Les pesticides incluent herbicides, fongicides et insecticides. Ils sont employés non seulement en milieu rural, pour l’agriculture, mais aussi dans les villes (ex. : insecticides résidentiels). La contamination par les pesticides se fait de deux façons: par la nourriture et par l’air.

En 2013, l’European Food Safety Authority (EFSA) en arrive à la conclusion que 101 des 287 pesticides à l’étude affectaient la signalisation thyroïdienne. Presque autant de pesticides affectent le système nerveux. Une étude épidémiologique majeure a démontré que les enfants risquent davantage de souffrir d’autisme si leur mère vit près d’une zone d’épandage de pesticides.

 

Les phtalates dans les plastiques

Les phtalates se trouvent dans une multitude de produits : dans le matériel médical en plastique (cathéter, tubes), les jouets en plastique, les produits d’hygiène et de beauté, le PVC, les similicuirs, etc. Ils se libèrent facilement des objets dont ils font partie, et polluent ainsi nos domiciles. Nous pouvons être contaminés par ingestion, par voie cutanée et par inhalation. L’incinération et l’enfouissement des phtalates entraînent leur libération dans notre environnement (eau, air).

Les phtalates traversent le placenta; le fœtus peut ainsi être exposé à ces substances. Ils peuvent aussi se trouver dans le lait maternel et les préparations commerciales pour nourrissons. La contamination à cette famille de perturbateurs endocriniens a été associée à une réduction de la production d’hormone thyroïdienne, ce qui n’est pas sans conséquence pour le fœtus.

Note de S.M.: en 2017, le règlement européen appelé Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals (REACH) a interdit quatre phtalates: BBP, DEHP, DBP et DIBP.

 

Les antimicrobiens et les parabènes

Le triclosan, un antibactérien, et les parabènes sont employés dans une foule de produits d’hygiène et de beauté: savons, déodorants, crèmes pour le visage et le corps, maquillages, etc. Les femmes sont plus exposées à ces substances chimiques que les hommes, puisqu’elles utilisent, en général, davantage ces produits.

On connaît les effets antithyroïdiens des parabènes depuis le début des années 1980. L’effet nocif du triclosan n’a été confirmé qu’en 2017, par le toxicologue Kevin Crofton.

 

Le perchlorate et le nitrate

Le perchlorate, un puissant oxydant, se trouve dans le carburant des fusées, dans les feux d’artifice, les coussins gonflables, les fusées d’éclairage et les munitions. Le nitrate, quant à lui, est un engrais utilisé en agriculture. Ces deux substances, présentes dans l’eau, bloquent l’absorption de l’iode par la glande thyroïde.

 

Un cocktail de produits chimiques

Nous ne sommes pas exposés à une seule substance à la fois. Une équipe de chercheurs a prélevé des échantillons de sang et d’urine de 268 femmes étatsuniennes enceintes (15-44 ans). Au total, 163 substances étaient à l’étude. Publiés en 2011, leurs résultats indiquent que toutes ces femmes présentaient une contamination par 8 des 12 catégories de contaminants étudiés. De plus, les 2/3 des substances détectées dans leur organisme peuvent interférer avec l’hormone thyroïdienne.

En conclusion, nous sommes contaminés par une foule de produits, et cela par l’eau, par l’air et par la nourriture. Rappelons que ces produits, dont nous ignorons l’effet combiné, affectent la signalisation thyroïdienne d’une ou plusieurs façons. Auraient-ils un effet sur le QI?

 

Le chapitre 4 : la baisse progressive du quotient intellectuel

D’après certaines données, le QI en Occident aurait augmenté entre 1950 et 2000 environ. Cette hausse est appelée effet Flynn. Cependant, depuis la fin du 20e siècle, le QI tend à diminuer, ce qu’on appelle effet anti-Flynn. Il semble aussi que la vitesse de réaction, indicateur de l’intelligence générale dans une certaine mesure, tend à diminuer. 

Cette baisse de QI pourrait bien être liée à l’augmentation de la quantité et de la diversité de polluants environnementaux qui perturbent l’hormone thyroïdienne, essentielle au développement cérébral (migration des neurones, synaptogenèse, myélinisation, etc.). Diverses études épidémiologiques ont indiqué que les enfants nés de mères exposées à certains perturbateurs endocriniens (ex.: pesticides organophosphorés) durant la grossesse risquaient davantage d’avoir un QI réduit.

Pour comprendre le phénomène multifactoriel de la baisse du QI, d’autres facteurs méritent bien sûr d’être pris en compte : changements économiques, nombre d’enfants par classe, méthodes pédagogiques, environnement familial, alimentation, utilisation accrue d’appareils électroniques. Il ne faut pas oublier la carence en iode, qui tend à se répandre dans plusieurs pays. Comme mentionné précédemment, l’iode est nécessaire à la synthèse de l’hormone thyroïdienne dont dépendant le développement cérébral. Peu importe la ou les causes de la baisse du QI, le potentiel intellectuel des prochaines générations semble compromis. Nous devons agir (voir le chapitre 8).

 

Le chapitre 5 : des troubles neurodéveloppementaux en augmentation

Les perturbateurs endocriniens, considérés de plus en plus comme un agent causal de la baisse du QI, contribueraient aussi à la hausse des troubles neurodéveloppementaux. Comme mentionné précédemment, le nombre d’enfants souffrant d’un trouble neurodéveloppemental, comme les TSA, a connu une hausse importante au cours des dernières décennies en Occident. Le génome humain n’a pas pu changer en quelques décennies. Par conséquent, il importe de s’intéresser aux facteurs environnementaux afin de comprendre le phénomène.

 

Les troubles du spectre de l’autisme: à la recherche de causes

Le changement des pratiques diagnostiques et une meilleure conscience sociale des TSA expliqueraient au plus 40 % de la hausse. Qu’est-ce qui peut bien expliquer la hausse fulgurante des cas de TSA?

Plusieurs études font ressortir certains facteurs environnementaux. L’un d’entre eux : les césariennes. D’après une méta-analyse publiée en 2015, les enfants nés par césarienne ont 23 % plus de risque de souffrir d’autisme. Quel ou quels sont les mécanismes d’action sous-jacents? Il est possible que la césarienne affecte la sécrétion d’ocytocine à la naissance, et que cela modifie l’activité neuronale du bébé dans certaines catégories de neurones (théorie de Yehezkel Ben-Ari). Aussi, il faut savoir que les césariennes dites de « convenance », et non les césariennes d’urgence, ont souvent lieu 2 semaines avant la date prévue de la naissance. Or les naissances prématurées ont été associées à un risque accru de TSA. Il se peut aussi que les césariennes affectent le microbiote intestinal des nouveau-nés et que cette perturbation nuise au développement des systèmes digestif, immunitaire et neuronal de l’enfant (Pour en savoir plus, lisez le livre L’étonnant pouvoir du microbiote).

Des équipes de recherche ont établi des associations entre la prévalence du TSA et d’autres facteurs: une infection de la mère durant la grossesse, une carence en iode chez la mère, un faible niveau d’hormone thyroïdienne de la mère ou la présence d’anticorps antithyroïdiens.

Les polluants représentent aussi un facteur possiblement impliqué dans l’étiologie des cas d’autisme. Le risque de développer des comportements autistiques a été relié au niveau de phtalates et de certains retardateurs de flamme bromés dans l’organisme des femmes enceintes. D’autres facteurs de nature environnementale ont été associés au risque de TSA : le mercure et la pollution de l’air. Enfin, comme mentionné précédemment, une étude a montré que le fait, pour une femme enceinte, de vivre près des lieux d’épandage des pesticides, augmentait le risque de TSA chez son enfant.

 

Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)

On estime la prévalence du TDAH à 10% en Europe et aux États-Unis. Comment expliquer cette forte prévalence?

La carence en iode de même qu’une carence en hormone thyroïdienne chez la femme enceinte ont été associées à une plus forte probabilité de TDAH. L’exposition, durant la grossesse, au retardateur de flamme bromé (le PBDE) ou aux pesticides organophosphorés, a été corrélée avec le risque, pour les enfants, de présenter un TDAH. 

 

Davantage de troubles de lecture

La prévalence de la dyslexie est en augmentation selon des associations étatsuniennes et britanniques. Les données issues d’imageries par résonnance magnétique (IRM) indiquent des différences neurobiologiques dans le cerveau des personnes souffrant de difficulté de lecture, difficulté caractéristique de la dyslexie.

Quelles sont les causes de la dyslexie? Quelques gènes ont été associés à ce trouble. Des facteurs environnementaux, telle une carence en iode ou en hormone thyroïdienne chez la femme enceinte, ont été associés à un plus grand risque de difficulté de lecture chez l’enfant. Peu d’études à ce jour ont cependant porté sur les liens entre la pollution et la dyslexie. Il n’est pas inconsidéré de penser que les perturbateurs endocriniens, associés ou non aux gènes de la dyslexie, puissent contribuer à l’étiologie de ce trouble.

 

L’hypothyroïdie congénitale

De plus en plus de bébés naissent avec une hypothyroïdie congénitale (HC). De nombreux facteurs de risque ont été associés à cette hausse : augmentation des naissances avant terme, faible poids à la naissance et facteurs environnementaux. On suspecte que les perturbateurs endocriniens, en tant que facteurs environnementaux, puissent contribuer à l’apparition de ce trouble. Une étude menée au Japon aurait d’ailleurs montré un lien clair entre le niveau de polluants organophosphorés chez la mère et la gravité de l’HC chez le bébé.

En résumé, des données issues d’études épidémiologiques nous indiquent que les polluants contribuent sans doute à l’augmentation de troubles tels que les TSA, le TDAH et l’HC.

 

Le chapitre 6 : épigénétique et facteurs environnementaux

Nous avons longtemps cru que nous étions à la merci de nos gènes. Or la science de l’épigénétique nous montre que ce n’est pas tout à fait le cas. L’épigénétique correspond à « l’étude des changements d’expression des gènes sans modification ou mutation des séquences d’ADN. » Cette discipline s’intéresse à l’interaction entre les gènes et l’environnement (gènes x environnement). Concrètement, certains facteurs environnementaux (carence alimentaire, infection, polluants, médicaments, etc.) peuvent contribuer à la manifestation d’une maladie latente programmée dans nos gènes. À l’inverse, des facteurs environnementaux associés à la santé (saine alimentation, exercice physique) peuvent, en revanche, retarder la manifestation de certains troubles pour lesquels nous sommes prédisposés.

Les scientifiques tentent de trouver les gènes à l’origine de l’autisme. Or peu de variations de la séquence d’ADN ont été reliées aux TSA. Il est nécessaire de se pencher sur les facteurs environnementaux et leur influence sur l’expression des gènes, en particulier durant la période intra-utérine. Les mécanismes épigénétiques risquent davantage de nous éclairer sur l’étiologie des TSA que la composante génétique seule. Paradoxe : même si les facteurs environnementaux sont de plus en plus reconnus comme causes des TSA, la majorité des fonds de recherche (96%) aux États-Unis va à la recherche sur les causes génétiques.

 

Le chapitre 7 : les coûts découlant des perturbateurs endocriniens

Quels sont les coûts sociaux associés aux perturbateurs endocriniens? En 2001, deux économistes ont tenté de calculer le coût, pour les États-Unis, d’une baisse de 5 points de QI découlant des troubles neurodéveloppementaux et de l’hypothyroïdie, lesquels comportent des causes environnementales. Résultat de leur calcul: 326 milliards de dollars par année.

On estime qu’aux États-Unis, les TSA coûtent, à l’échelle du pays, 126 milliards de dollars par an. Une personne souffrant de TSA, sans déficience intellectuelle, peut coûter environ 1,4 million de dollars sur sa vie entière; si elle présente en plus une déficience intellectuelle, le montant s’élève à 2,4 millions.

Le TDAH, avec une prévalence de 10 %, peut coûter, aux États-Unis, plus de 100 milliards de dollars par année. Si on combine TSA et TDAH, on en arrive à des coûts se situant entre 176 et 226 milliards de dollars par année.

Des chercheurs de diverses disciplines ont calculé les coûts sociaux associés aux pesticides organophosphorés et à un retardateur de flamme bromé (le PBDE-47), deux substances associées à une augmentation du risque de TSA et de TDAH, et à un risque de QI moindre. Pour ce faire, ils se sont appuyés sur des données solides issues d’études épidémiologiques. Selon eux, la facture sociale s’élèverait, dans l’Union européenne, à plus de 150 milliards d’Euros par an.

Fait à noter : le coût des perturbateurs endocriniens en matière de santé est inférieur à ce que coûterait une réglementation de ses produits pour l’industrie. Il importe d’agir rapidement, sinon les prochaines générations pourraient bien en subir les conséquences (QI moindre; forte prévalence des TSA).

 

Le chapitre 8 : comment se protéger des perturbateurs endocriniens

Nous devons défaire l’idée reçue selon laquelle la réduction des pesticides se traduit systématiquement par une diminution de la production.

Des actions individuelles et collectives s’imposent face aux perturbateurs endocriniens. Sur le plan individuel, plusieurs mesures peuvent nous permettre de réduire notre exposition aux perturbateurs endocriniens :

  • Consommer des fruits et légumes de culture biologique;
  • Réduire notre consommation d’aliments en contact avec des plastiques;
  • Privilégier les batteries de cuisine en acier inoxydable plutôt que les poêles antiadhésives (style Teflon); (Note de S.M. : j’ai remplacé mes poêles antiadhésives par des poêles en poudre de céramique.)
  • Conserver nos aliments dans des contenants de verre ou de céramique;
  • Éviter d’utiliser des contenants de plastique dans le four à micro-ondes, même s’il est indiqué qu’ils peuvent aller au four à micro-ondes;
  • Limiter l’utilisation de cosmétiques (plusieurs contiennent phtalates, triclosan et parabènes);
  • Laver les vêtements neufs;
  • Réduire l’utilisation de crème solaire et porter un chapeau et des chemises à manches longues, par exemple.

Les femmes enceintes ou qui allaitent gagnent à suivre ces recommandations-ci :

  • Manger des aliments biologiques;
  • Consommer du thon ou du saumon une fois par semaine maximum;
  • S’assurer de couvrir ses besoins en iode en prenant un complément d’iode de 150 microgrammes par jour;
  • Employer du sel de table iodé plutôt que du sel de mer;
  • Prendre des médicaments seulement si nécessaire et sur recommandations du médecin.

 

En ce qui concerne les bébés :

  • Éviter de leur appliquer des crèmes contenant des phtalates, du triclosan ou des parabènes;
  • Ne pas le faire consommer du soya, sauf si nécessaire;
  • Utiliser les biberons de verre plutôt que ceux en plastique.

 

Les produits de la mer : bon ou pas?

Les produits de la mer peuvent contenir du mercure, nocif pour la santé. En revanche, ils fournissent de l’iode et du sélénium, deux minéraux importants pour le bon fonctionnement de la signalisation thyroïdienne. Compte tenu des bénéfices des poissons gras (minéraux, oméga-3, etc.), on gagnerait à en consommer d’une à deux fois par semaine.  Enlever la peau du poisson et consommer les petits poissons permettent de réduire notre contamination au mercure et au BPC.

 

Lait maternel ou préparations pour nourrissons?

Le lait maternel est-il préférable ou non aux préparations pour nourrissons (« lait maternisé »)? Le lait maternel est naturellement iodé, si la mère a un apport adéquat en ce minéral. De plus, même si le lait maternel peut contenir certains contaminants, l’impact de ces polluants est moindre à l’étape de l’allaitement que pendant les premières semaines de grossesse. Enfin, le lait maternel contient moins de phtalates et de BPA que les préparations pour nourrisson.

 

Quelle eau devrions-nous boire?

L’eau du robinet, l’eau filtrée, l’eau distillée, etc. comportent des avantages et inconvénients. Les filtres à usage domestique (ex. : Brita) ne filtrent pas les perchlorates et les nitrates. Les filtres éliminent partiellement les molécules oestrogéniques pouvant se trouver dans l’eau du robinet. Ils éliminent néanmoins chlore, plomb, cuivre, etc. L’osmose inverse permet de filtrer les nitrates et les perchlorates. Cependant, ce système consomme beaucoup d’eau et d’énergie. La distillation aussi s’avère énergivore, sans compter la nécessité d’un nettoyage et d’un entretien régulier. À vous de voir l’option qui vous convient le mieux, compte tenu des avantages et inconvénients de chacune.

 

Meubles, matériel électronique et autres : que faire?

Concernant les meubles (divans, coussin, matelas), les sièges de voiture et le matériel électronique, il faut savoir qu’ils contiennent des retardateurs de flamme bromés ou chlorés. Voici quelques pistes de solution :

  • Acheter une voiture usagée (puisque les retardateurs de flamme ont eu le temps de se dissiper);
  • Utiliser matelas et coussins bourrés de pure laine (moins inflammable que les mousses synthétiques);
  • Éteindre les appareils électroniques (ordinateur, téléviseur, tablette) quand on ne les utilise pas;
  • Bien aérer son domicile.

 

Les pesticides : le moins possible

Il nous faut aussi réduire notre utilisation des pesticides à domicile. Voici des sources de contamination : papiers tue-mouches, poudres antipuces, shampoings pour chats et chiens, insecticides. Évitons de les utiliser à proximité des enfants et des femmes enceintes.

Plusieurs pistes de solution s’offrent donc à nous. Agir au niveau individuel ne suffit pas : des actions collectives s’imposent aussi.

 

Actions collectives

Nous pouvons devenir membres d’une ou plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ayant pour mission l’amélioration de la santé ou la protection de l’environnement. Voici quelques suggestions d’ONG reconnues :

Les victimes de produits chimiques peuvent se joindre à des recours collectifs. Enfin, certaines ONG, comme le Pesticide Action Network, relaient les préoccupations des citoyens à des décideurs politiques.

Vu l’importance de l’iode dans le développement cérébral, il serait important de faire voter une loi obligeant l’iodation du sel de table et l’iodation du sel utilisé par l’industrie agroalimentaire. Il importe aussi de sensibiliser les professionnels de la santé à l’importance de l’iode. Trois instances majeures, à savoir l’OMS, l’UNICEF et l’Iodine Global Network, recommandent maintenant aux femmes enceintes ou qui allaitent un apport quotidien en iode de 250 microgrammes (plutôt que 200 microgrammes seulement).

Améliorer la réglementation des perturbateurs endocriniens s’avère incontournable. Des dizaines de milliers de produits chimiques sont listés dans des registres tant aux États-Unis qu’en Europe. Aux États-Unis, on peut assez facilement faire commercialiser un produit chimique par l’Environmental Protection Agency (EPA) en trois mois. Il faut, par contre, quelques dizaines d’années pour la faire retirer du marché. Note : une substance chimique produite ou importée en quantité inférieure à 10 tonnes n’a pas besoin d’être homologuée... En Europe, la réglementation est plus stricte. Les industriels doivent répondre à une foule de questions permettant à l’Agence européenne des produits chimiques de prendre des décisions éclairées.

Bonne nouvelle : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) travaille à déterminer les tests visant à établir les effets nocifs de perturbateurs endocriniens. Du point de vue de plusieurs endocrinologues, une commission internationale devrait être mise sur pied afin de faire avancer plus rapidement le dossier des perturbateurs endocriniens.

Bref, nous sommes invités à agir aux niveaux individuel et collectif. Ne l’oublions pas : l’union fait la force.

 

Mes commentaires au sujet du livre

L’auteure, Barbara Demeneix, a su bien couvrir et vulgariser le sujet des perturbateurs endocriniens et a pris soin de référencer la majorité des études citées. J’ai trouvé captivants le chapitre sur le rôle de l’hormone thyroïdienne (chap. 2) et celui sur les facteurs environnementaux associés aux TSA (chap. 5). Certains passages du chapitre sur l’épigénétique (chap. 6) étaient un peu arides. J’ai trouvé des plus précieux les conseils prodigués dans le chapitre 8. 

En terminant, je crois bon de mentionner que la Dre Demeneix a rédigé ce livre au travers de ces nombreuses activités professionnelles : recherche, supervision d’étudiants, rédaction de demandes de subventions, participation à des formations sur l’identification et la réglementation des perturbateurs endocriniens, participations à des réunions à l’OCDE, etc. Je lui lève mon chapeau.

Stéphane Migneault
Psychologue, formateur, conférencier et auteur

 

Référence

Demeneix, B. (2017). Cocktail toxique : comme les perturbateurs endocriniens empoisonnent notre cerveau, traduit de l’anglais par Jacqueline Henry. Paris : Odile Jacob.

 

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