Fruits et légumes : une protection contre la dépression?

neuronutrition suggestions de lecture Jan 16, 2020

Manger des fruits et légumes peut-il nous protéger de la dépression? Une étude canadienne publiée en 2019 nous fournit des données succulentes à ce sujet! Voici quelques-uns des résultats qui ont attiré mon attention.

Mentionnons d’abord que l’étude a été menée auprès d’une cohorte de 27 162 Canadiens et Canadiennes âgées de 45 à 85 ans.

Une foule de variables ont été mesurées : la dépression (la variable dépendante), le statut d’immigrant (la variable indépendant) et une trentaine de covariables telles que l’âge, l’état civil, la consommation de fruits et légumes, la présence de maladie chronique, l’indice de masse corporelle, etc.

Les chercheurs ont fait leurs calculs statistiques à partir de données transversales. Autrement dit, c’est comme s’ils avaient analysé les photos de leurs participants, photos prises à une même date. Ils n’ont PAS analysé des données longitudinales, à savoir des données recueillies à divers moments dans le temps.

 

Fruits et légumes : facteur de protection 

Dans cette étude, tant chez les hommes que chez les femmes, une faible consommation de fruits et légumes a été associée à un risque plus élevé de dépression.

Aussi, à l’inverse, les hommes qui consommaient entre 3 et 6 portions de fruits et légumes par jour étaient moins à risque de dépression.

Suis-je surpris de ces résultats? Non! Une méta-analyse a d’ailleurs indiqué qu’une alimentation santé (fruits, légumes, poisson, grains entiers) était associée à une plus faible probabilité de dépression chez les adultes (Lai et al., 2014). Une autre méta-analyse a montré qu’une forte adhésion au régime méditerranéen (accordant une place importante aux fruits et légumes) était associée à un risque réduit de 30% de dépression (Psaltopoulou et al., 2013).

Est-ce que les fruits et légumes peuvent avoir un impact sur l’humeur? Les auteurs de l’étude rappellent des mécanismes d’action possibles. Par exemple, les fruits et légumes nous fournissent des composés aux propriétés anti-inflammatoires. Or on sait que la dépression est associée à la présence de marqueurs d’inflammation. 

Malheureusement, l’étude ne fait pas mention d’un autre mécanisme d’action important : l’impact positif des fruits et légumes sur nos bonnes bactéries intestinales. Grosso modo, ces végétaux contiennent des fibres (solubles, insolubles). Or ces fibres, qu’on qualifie de prébiotiques, servent de nourriture aux bonnes bactéries qui colonisent notre intestin (bactéries et intestin forment un écosystème appelé microbiome). Et que font ces bactéries intestinales au juste? Lorsque bien nourries, elles produisent des molécules chimiques bénéfiques pour la santé. Un exemple de molécule bénéfique: le butyrate, un précieux métabolite qui contribue à maîtriser l’inflammation.

Marianne Desautels-Marissal, biochimiste et auteure du livre Mille milliards d’amies: comprendre et nourrir son microbiome (2016) considère même que notre microbiome (écosystème intestin-bactéries) est «un peu notre apothicaire personnel, à domicile.»

Des études ont aussi indiqué une association entre un déséquilibre du microbiote (dysbiose) et des troubles tels que la dépression. Chez les animaux, lorsqu’on améliore, ou détériore, leur microbiote, des changements sont observés dans leur comportement.

 L’étude canadienne n’aborde pas seulement la question des fruits et légumes. Des résultats intéressants sont ressortis concernant le lien entre la dépression et d’autres variables. Voici un aperçu des résultats.

 

Sucre et sel : attention! 

Dans l’étude canadienne, la consommation de jus de fruits purs et de collations salées (ex.: croustilles) était associée à la dépression chez les femmes.

Je profite de l’occasion pour faire un lien avec le nouveau Guide alimentaire canadien (2019). Les jus de fruits ne sont plus au menu! La boisson principale recommandée: l’eau!

 Concernant les collations salées (ex.: croustilles), il s’agit de produits hautement transformés (et trop salés!). Le nouveau guide alimentaire nous invite à limiter leur consommation. Bref, ces «snacks» ne représentent pas des choix nutritifs.

 

Douleur chronique et maladies chroniques : facteurs de risque 

Les chercheurs ont considérés comme maladies chroniques des maladies comme celles-ci : diabète, maladie cardiaque, épilepsie, migraine, maladie de Crohn, syndrome de l’intestin irritable, maladie rénale, arthrite rhumatoïde, etc.

Tant chez les femmes que chez les hommes, le fait de souffrir de douleur chronique ou d’une maladie chronique était associé à un risque plus élevé de dépression. Des études antérieures menées auprès d’adultes âgés avaient observé un tel lien.

L’étude ne conclue pas qu’il y a un lien de cause à effet entre douleur chronique et dépression ou entre maladie chronique et dépression. Elle constate seulement une association.

 

Être en couple : c’est bon pour le moral! 

Être en couple serait bon pour le moral des messieurs. En effet, dans l’étude, les hommes (45-85 ans) en couple avaient une plus faible probabilité de souffrir de dépression. Chez les femmes, une telle association n’est pas ressortie nettement.

Une étude antérieure (Kessler et Bromet, 2013) a indiqué que le statut de célibataire était associé à un risque plus élevé de dépression. Attention : n’allons pas conclure qu’il faille nécessairement être en couple pour être heureux!

 

L’instruction : un facteur de protection? 

Chez les femmes de l’étude (45-85 ans), le fait ne pas avoir de diplôme d’études secondaires était associé à un plus grand risque de souffrir de dépression. Chez la cohorte d’hommes, le fait d’avoir fait des études post-secondaires était associé à une plus faible probabilité de souffrir de dépression.

Ces résultats vont dans les mêmes sens que ceux d’autres études qui ont relevé une association entre un faible statut socioéconomique et la dépression (Fisk, Wetherell et Gatz, 2009; Everson, Maty, et al., 2002; Koster, Bosma et al., 2006; Miech, Caspi et al. 1999).

 

Hommes et femmes : inégaux face à la dépression 

Chez les femmes, davantage de facteurs (covariables) semblent associés à la dépression. Les chercheurs mettent de l’avant l’hypothèse de la plus grande susceptibilité des femmes à l’inflammation et aux réponses auto-immunes, deux processus qui augmenteraient le risque de dépression.

 

Immigration rime-t-elle avec dépression? 

Dans cette étude, les femmes immigrantes avaient plus de chance de souffrir de dépression que celles nées au Canada. En particulier, celles établies au Canada depuis moins de 20 ans avait deux fois plus de chance de souffrir de dépression. Étonnant, n’est-ce pas?

Des études antérieures menées au Canada n’ont pas rapporté ce lien immigration-dépression. Comment expliquer cette différence? Dans la présente étude, les femmes étaient plus âgées (45-85 ans) que dans les études publiées antérieurement. La différence dans les résultats peut aussi dépendre des variables confondantes prises en considération.

Comment expliquer le lien dépression-immigration observé dans la présente étude? Les chercheurs indiquent que des facteurs de stress pourraient expliquer cette association: stress de s’installer dans un nouveau pays, revenus insuffisants, surmonter la barrière de la langue, discrimination, adaptation à une nouvelle culture, réseau social insuffisant, non-reconnaissance de ses diplômes et de ses expériences de travail.

Fait intéressant, le lien statistique entre immigration et dépression demeure « robuste » même en contrôlant de nombreuses covariables (âge, état civil, niveau d’éducation, revenu, habitudes alimentaires, etc.). On émet l’hypothèse que la migration et l’acculturation pourraient contribuer à un stress au cours de la vie et nuire à la santé mentale des immigrantes, et cela malgré un statut socioéconomique et un style de vie semblable à celui de femmes non-immigrantes.

 

En conclusion 

Rappelons que cette étude a été menée auprès de sujets âgés de 45 à 85 ans. Aussi, cette étude a analysé des données transversales, ce qui ne nous autorise pas à établir des liens de cause à effet. Autrement dit, l’étude ne dit pas que manger des fruits et légumes combat la dépression. Néanmoins, de multiples mécanismes physiologiques nous permettent d’expliquer la plausibilité de l’impact de l’alimentation sur l’humeur et la dépression. Et rappelons aussi que certains régimes alimentaires où fruits et légumes occupent une place importante (ex. : régime méditerranéen) sont associés à un risque réduit de souffrir de dépression.

Dans leur conclusion, l’équipe de chercheurs recommande, pour l’amélioration de la santé mentale des personnes plus âgées, « l’utilisation d’interventions qui visent les facteurs sociaux, économiques, physiques et nutritionnels qui atténuent les réponses inflammatoires» (traduction libre).

 

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P.-S. - Vous êtes une ou un professionnel de la santé mentale? Vous souhaitez en apprendre plus sur l’influence de la nutrition sur la santé mentale? La formation De l’assiette au cerveau  pourrait sans doute vous intéresser. Elle est reconnue par l’Ordre des psychologues et l’Ordre des travailleurs sociaux du Québec.

Référence : Davidson, K. M., Lung, Y., Lin, S. Tong, H. et al. (2019). Depression in middle and older adulthood: the role of immigration, nutrition, and other determinants of health in the Canadian longitudinal study on aging. BMC Psychiatry, 19, 239.

Hyperlien pour consulter l'article en ligne:
https://link.springer.com/article/10.1186/s12888-019-2309-y